Dans le centre d’essai de Ladoux, près de Clermont-Ferrand, un prototype de SUV électrique roule à vitesse constante sur une piste humide. À bord, personne ne touche au volant. Pourtant, à l’approche d’un virage, le véhicule ralentit doucement, ajuste son angle… et franchit le virage sans encombre. Le secret ? Un pneu. Ou plutôt, un pneu assisté par intelligence artificielle.
Depuis 2022, les grands manufacturiers comme Michelin, Bridgestone ou Continental multiplient les expérimentations. En 2025, l’IA ne se limite plus aux assistants vocaux ou aux voitures autonomes : elle pénètre désormais la gomme, les capteurs, les données thermiques. Les pneus intelligents s’apprêtent à franchir une nouvelle étape. Que faut-il en attendre ? Où s’arrêtera cette révolution silencieuse ?
L’intelligence artificielle appliquée au pneumatique : de quoi parle-t-on ?
L’IA appliquée aux pneus ne signifie pas que ces derniers « pensent » au sens propre. Il s’agit d’un ensemble de technologies embarquées capables de collecter, d’analyser et de prédire des comportements à partir de données terrain. Ces données proviennent de capteurs intégrés dans la structure du pneu ou montés sur le véhicule.
Pression, température, vitesse de rotation, taux d’usure, forces latérales, vibrations : tous ces éléments alimentent des algorithmes qui apprennent et anticipent. On parle d’IA embarquée, supervisée par des calculateurs ou connectée à des systèmes distants (cloud, serveurs, applications de gestion de flotte).
En 2025, trois niveaux d’IA se dessinent dans le secteur pneumatique :
- IA descriptive : collecte et restitue des données en temps réel (pression, alerte usure, température).
- IA prédictive : anticipe une crevaison, recommande un remplacement ou ajuste la pression automatiquement.
- IA prescriptive : interagit avec les autres systèmes du véhicule (ADAS, régulateur, suspension) pour modifier le comportement de conduite en fonction de l’état des pneus.
Des pneus qui s’auto-adaptent ? Ce n’est plus de la science-fiction
Michelin travaille depuis 2023 sur un pneu capable de modifier sa rigidité en fonction de la température et de la vitesse. La technologie repose sur des polymères intelligents associés à des algorithmes embarqués. Le pneu devient ainsi “mou” en ville, pour maximiser le confort, puis plus “dur” sur autoroute pour réduire la résistance au roulement.
Chez Bridgestone, les essais menés au Japon intègrent une IA qui ajuste en temps réel la pression à l’intérieur du pneu, grâce à une mini-pompe autonome. L’algorithme calcule le profil du trajet à venir et optimise le gonflage avant chaque segment (autoroute, ville, zone de virage…)
Ces systèmes sont encore en phase pilote, mais les premiers modèles grand public sont attendus dès 2026 sur les véhicules haut de gamme et les utilitaires longue distance.
Pour les pros : des flottes gérées par algorithme
En 2025, les gestionnaires de flottes (transport, logistique, collectivités) sont les premiers bénéficiaires de cette révolution. Des plateformes comme Webfleet, Michelin Connected Fleet ou Continental ContiConnect permettent déjà :
- De suivre l’usure individuelle de chaque pneu
- D’anticiper les remplacements pour éviter les ruptures
- De comparer les consommations selon les marques et types de trajets
- D’être alerté en cas d’anomalie thermique ou structurelle
À la clé : moins de pannes, plus de sécurité, une meilleure planification… et jusqu’à 15 % d’économies sur les coûts pneumatiques annuels, selon l’Observatoire français du transport routier.
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Et pour les particuliers ?
L’intégration de l’IA dans les pneus des particuliers reste encore marginale, mais progresse. En 2025, certains modèles haut de gamme (Michelin Pilot Sport EV, Continental PremiumContact 7) embarquent déjà des capteurs compatibles avec les calculateurs de bord.
Des applications mobiles connectées permettent de :
- Suivre la pression et la température en direct
- Recevoir des conseils personnalisés selon sa conduite
- Planifier ses entretiens ou permutations
- Analyser sa consommation de carburant liée aux pneus
Des marques comme Goodyear développent même des modèles « self-aware » capables de signaler leur propre fin de vie… avant que l’usure ne devienne critique.
Avantages concrets d’un pneu dopé à l’IA
Les bénéfices sont nombreux, notamment pour la sécurité :
- Prévention des crevaisons : alertes avant que la pression ne devienne critique
- Freinage anticipé : interaction avec les ADAS si l’adhérence devient insuffisante
- Adaptation au climat : modification de comportement selon température ou pluie
- Optimisation des performances : gestion intelligente du couple, du confort et de la consommation
Mais surtout, c’est une manière de prolonger la vie du pneu. En adaptant son usage, l’IA permet de réduire l’usure anormale et d’éviter les remplacements prématurés.
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Limites et vigilance
Malgré ses promesses, l’IA dans les pneus soulève plusieurs questions :
- Fiabilité : en cas de capteur défectueux, l’IA peut donner de fausses alertes
- Vie privée : les données de conduite sont parfois transmises à des serveurs externes
- Interopérabilité : certains systèmes ne sont pas compatibles entre marques
- Surcoût : un pneu « IA-ready » peut coûter 50 à 100 € de plus qu’un modèle classique
Il faudra donc veiller à choisir des pneus homologués, certifiés, et surtout… compatibles avec son véhicule.
Vers une autonomie décisionnelle ?
La prochaine étape ? Des pneus capables de prendre des décisions. Plusieurs projets industriels étudient la possibilité de :
- Lancer une alerte à d’autres véhicules en cas de route glissante
- Commander automatiquement un remplacement ou une permutation
- S’auto-gonfler ou s’auto-réparer en cas de fuite lente
- Agir sur les paramètres de conduite (frein moteur, ABS, trajectoire)
En 2025, ces scénarios sont en phase de test, notamment chez Stellantis, Tesla, et certains équipementiers israéliens très avancés dans le domaine de la détection intelligente.
Conclusion : l’IA dans les pneus, une révolution déjà en route
Les pneus ne sont plus de simples enveloppes de caoutchouc. Ils deviennent des capteurs, des relais, des acteurs de la conduite autonome. Et grâce à l’intelligence artificielle, ils participent activement à la sécurité, à l’efficacité énergétique, à l’allongement de leur propre durée de vie.
Pour les particuliers, cette révolution reste discrète, mais elle s’annonce prometteuse. Pour les professionnels, elle est déjà bien entamée. Et dans les années à venir, il est probable que l’IA devienne un critère aussi important que l’étiquetage européen… voire plus.
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